Dimanche 13 mai 2007 par CNES-USTO
Les cadres algériens aiment la mobilité.
En effet, plus de 51% des cadres algériens interrogés par le cabinet Lincoln Associés en janvier dernier envisagent de changer d’entreprise d’ici à un an.
L’enquête a touché 400 cadres, âgés entre 30 et 40 ans, niveau minimum bac +4, salariés de groupes internationaux présents dans notre pays, annonce Lincoln Associés dans un communiqué de presse.
L’enquête a concerné particulièrement les secteurs des technologies, des médias et des télécommunications, les industries agroalimentaires et pharmaceutiques, les services.
Le très sérieux cabinet international de conseil en recrutement de cadres dirigeants et de managers experts note un turn-over particulièrement important. « ...D’ici un an, 51% des cadres interrogés envisagent de changer d’entreprise, 12% seulement se voient rester dans la même entreprise et dans la même fonction, et 31% dans la même entreprise et dans une fonction différente... », affirme le cabinet.
Plus inquiétant, seuls 6% des cadres interrogés pensent se trouver encore dans la même entreprise et dans le même poste dans les deux ou trois prochaines années ! Qu’est ce qui fait courir ainsi les cadres algériens ? », s’est interrogé Lincoln Associés. « ...Nous savons que le décollage rapide et récent de l’économie algérienne, auquel s’ajoute un déficit de formation des cadres pendant les années troublées vécues par le pays, constitue une première explication... », analyse le cabinet international. « ...Leurs voisins tunisiens et marocains, qui ont une longueur d’avance par rapport à l’ouverture à l’économie de marché, ne connaissent pas un problème d’une telle dimension. Les réponses révèlent que les cadres algériens ne sont pas satisfaits de leurs salaires » : en réalité, note Lincoln Associés, la première motivation de cette instabilité est la course au salaire, chez 29% des cadres interrogés, devant la perspective d’évolution 27% et devant le dynamisme de l’entreprise 23%. L’enquête a révélé que les cadres algériens ne sont pas contents de leur situation professionnelle : près d’un tiers des cadres interrogés ont en effet exprimé un décalage entre le poste occupé et celui décrit dans le document d’embauche et 43% se disent peu satisfaits du management de l’entreprise.
Alerté par le turn-over très important des cadres dans les entreprises, Lincoln Associés a voulu en prendre la mesure. Les résultats sont étonnants et témoignent de la précarité du travail et des cadres en Algérie, contrairement aux apparences. L’enquête ternit l’image des filiales algériennes des groupes étrangers qui finalement n’offrent pas des conditions de travail idéales et des salaires mirobolants aux cadres recrutés localement.
Elle lève une partie du voile qui cache les tares des groupes internationaux basés dans notre pays qui n’assurent une formation suffisante aux cadres recrutés localement.
Les cadres algériens employés par les firmes étrangères sont en effet victimes d’une discrimination par rapport à leurs collègues européens ou américains.
Même si les entreprises étrangères se vantent d’assurer des formations aux cadres locaux. Près de la moitié (46%) des cadres interrogés par Lincoln Associés affirment n’avoir jamais bénéficié de formation au sein de leur entreprise et 56% attestent qu’ils n’ont pas eu d’information sur les évolutions de carrières possibles. ®Ces résultats sont à tempérer avec la brièveté de leur passage dans l’entreprise, relativise Lincoln Associés. Il est en effet difficile pour une entreprise de mettre en place une véritable politique de ressources humaines avec un tel turn-over. Seule satisfaction, 84% des cadres interrogés se considèrent autonomes dans leur activité.
L’enquête de Lincoln Associés ne mesure pas vraiment la part des groupes étrangers dans cette mobilité à grande vitesse.
Un phénomène accentué par les implantations successives de groupes étrangers qui se disputent des cadres locaux bien formés, peu nombreux et difficiles à trouver. La situation n’arrange ni les entreprises étrangères pour leur développement, ni les cadres obligés de changer d’emploi à chaque fois, ce qui n’est pas synonyme de stabilité. D’autant que les groupes étrangers se plaignent souvent du manque de compétences dans notre pays.
La récente décision du président Abdelaziz Bouteflika de réglementer la mobilité des cadres va empêcher ceux du secteur public de rejoindre le privé et accentuer du coup le phénomène du turn-over.
L’ouverture économique a vidé le secteur public de ses compétences parties vers les groupes étrangers qui offrent des salaires élevés par rapport à ceux du secteur public. Les groupes étrangers seront obligés de miser sur la formation des jeunes cadres fraîchement sortis des universités et des grandes écoles. Des initiatives existent déjà.
L’Ecole supérieure des Affaires d’Alger a par exemple réussi à convaincre des groupes étrangers et algériens de prendre en charge les frais liés aux études d’une bonne partie des élèves en échange de contrats de travail de plusieurs années.
La compagnie norvégienne Statoil a décidé de prendre une partie du capital de l’Institut algérien du pétrole (IAP) pour former ses futurs cadres dans les métiers liés au pétrole et au gaz. Lincoln Associés travaille déjà sur le dossier. Il a organisé récemment une table ronde à Alger avec les acteurs concernés autour de la stabilité du marché de l’emploi. ®Les solutions doivent engager à la fois les entreprises, les candidats et les cabinets de conseil, estime le cabinet international. La surenchère des salaires ne peut apporter aux cadres algériens que des avantages à court terme. Lincoln Associés propose des solutions qui passent par la formation, le coaching des jeunes salariés, une meilleure communication, mais aussi le rapprochement des entreprises et des écoles et universités, afin de former des cadres opérationnels répondant plus précisément aux besoins du marché.
Hamid Guemache, Le Quotidien d’Oran (13 mai 2007)
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